Alors que les restaurants ont fermé depuis le 15 mars, le réseau cœur des chefs s’organise pour saveur la marchandise des producteurs impactés, en les mettant en relation avec des particuliers.
« Certaines activités peuvent se mettre en veille, mais quand les légumes poussent il faut les cueillir. Lorsqu’ils sont là, il faut les livrer et les cuisiner. » Tel est le message que l’on peut lire sur la page Facebook du magazine gastronomique Le Cœur des Chefs, inquiet pour la survie des petits producteurs maraîchers. La fermeture des restaurants, effective depuis plus d’une semaine en France, a durement touché les producteurs : pour certains, qui ne travaillent qu’avec des restaurateurs, le chiffre d’affaires tombe à zéro. Pourtant, les entreprises continuent de tourner, et des tonnes de fruits et légumes sont menacées. « Les producteurs se retrouvent avec une marchandise sur les bras, et ils ne savent pas du tout comment la distribuer aux particuliers », décrit Anne Garabédian, rédactrice en chef du Cœur des Chefs.
Fort d’un important réseau, le magazine culinaire a alors décidé d’aider ces producteurs en difficulté via son groupe Facebook Le Cœur des Chefs Réseau qui regroupe producteurs, acheteurs et intermédiaires. Le but de l’initiative est multiple : soutenir les producteurs, lutter contre le gaspillage alimentaire, recréer du lien et de la proximité, et faire découvrir à des particuliers des produits d’exception, introuvables en grande surface.
DES CHEFS DEVENUS «POINTS-RELAIS»
Le réseau fonctionne comme une « plateforme solidaire interactive » : les producteurs envoient par Chronofresh leurs stocks de fruits et légumes à des points-relais, qui redistribuent bénévolement la marchandise à des particuliers de leur entourage. Les intermédiaires de ces circuits courts sont souvent des chefs, qui connaissent bien leurs fournisseurs. C’est le cas de Julien Guiraudou, 28 ans, sous-chef passé par plusieurs restaurants étoilés, comme le restaurant du Mandarin Oriental à Paris.
Sans emploi actuellement, il profite depuis dix jours de son temps libre pour commander des colis à quelques producteurs, les stocker chez lui, et les revendre autour de Margency, dans le Val-d’Oise. « Je veux que ça reste proche de ma commune, le but c’est de respecter les règles sanitaires. Tout se fait par téléphone, le paiement se fait par l’application Lydia, il n’y a aucun contact physique », explique le jeune cuisinier.
Rhubarbe de la Somme, asperges vertes de Mallemort, citrons de Bachès, huîtres de l’étang de Thau… Ces produits d’exception sont vendus au même prix que celui auquel les achetaient les chefs étoilés : il faut ainsi débourser 23 euros pour un panier de mini-légumes d’1,5 kg, cultivés en Touraine par Eric Roy. Ce maraîcher de luxe justifie ce prix élevé par l’excellence des produits, exclusivement destinés aux « deux ou trois étoiles au Guide Michelin ». Après avoir collé quelques affiches et en avoir parlé à la mairie, Julien Giraudou dit toucher une trentaine de personnes. « Les particuliers peuvent avoir accès à ces produits exceptionnels : faire la cuisine en période de confinement, ça occupe ! »
«LA GRANDE DISTRIBUTION PEUT FAIRE UN EFFORT»
Les intermédiaires comme Julien se sont multipliés ces derniers jours, partout en France. « Un vigneron de Saint-Cannat (Bouches-du-Rhône), qui a son propre groupe Facebook avec ses clients, vient de m’appeler pour être point-relais. Chacun aide à son échelle, et cette solidarité peut être démultipliée », explique Anne Garabédian, citant l’exemple de chefs cuisinant pour les soignants, ou d’autres mettant en ligne des recettes inédites. La fondatrice du réseau Le Cœur des Chefs espère voir grandir l’initiative au-delà du groupe Facebook, et en faire un outil plus simple d’utilisation.
Le réseau souhaite aussi interpeller les supermarchés de proximité et la grande distribution pour aider les producteurs locaux peu présents sur les réseaux sociaux, sans se limiter aux produits haut de gamme. Contacté, l’Intermarché de Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique), s’est ainsi dit ouvert à la vente de produits cultivés dans les environs. « Sur cette période, la grande distribution et les petites surfaces peuvent faire un effort. Il faut que chacun fasse sa part, et les producteurs vont aussi devoir baisser leurs prix », affirme Anne Garabédian. Optimiste, elle espère que cette crise aura le mérite de raviver la solidarité entre producteurs, chefs, enseignes et consommateurs.
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