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« Il faut prendre cette crise comme un avertissement »

Entretien. Pour Emmanuel Faber, le PDG de Danone, il faut construire une économie résiliente, qui pourra vivre avec les risques du vivant.

Après la crise du coronavirus, les aspirations à un « monde d’après » plus humain sont fortes. Mais ne risquent-elles pas de se heurter rapidement aux faillites, à la montée du chômage et à l’explosion des déficits ?

Emmanuel Faber : La réponse est oui, bien sûr. Nous allons devoir collectivement traiter l’urgence économique et sociale et inventer le monde de demain. Arbitrer entre le court terme indispensable et le long terme tout aussi indispensable. Ce ne sera pas facile. Nous n’allons pas pouvoir demander aux trois millions d’indépendants de poursuivre la transition vers une économie plus durable et décarbonée de la même façon qu’aux 3 000 grandes entreprises qui représentent la moitié des salariés et les deux tiers des investissements de notre économie. Il faudra néanmoins bien encourager les deux. Cette crise va nous faire repartir dix ou quinze ans en arrière en termes de PIB par habitant, notre outil de mesure de la richesse. Reste à savoir s’il faut à tout prix revenir au niveau d’aujourd’hui, ou prendre cette crise comme un avertissement.

Qu’entendez-vous par « avertissement ». Est-ce la nature qui se venge ?

E. F. : Non. Mais nous avons construit un rapport à la nature en en prélevant les ressources, comme si elles étaient inépuisables. Cette crise est le rappel urgent que nous ne pourrons pas être vivants sans refaire alliance avec le vivant.

Cet épisode peut-il conduire à une évolution des esprits ?

E. F. : C’est un révélateur. Cela fait apparaître que nous sommes codépendants les uns des autres. Cela peut amener au pire comme au meilleur. Le pire étant un repli sur soi, dans lequel l’autre devient un danger, voire un ennemi. Le meilleur, ce sont de nouveaux modes de vie, axés non plus seulement sur la propriété – qui est une forme d’exclusion –, mais plutôt sur l’utilité des biens que nous prélevons sur la nature. Bref, aller vers une économie de circularité, de partage, qui tienne plus compte de nos limites. Le PIB ne peut plus en être la seule mesure car il ne tient pas compte de ces solidarités, non monétisées. Elles ont pourtant une véritable valeur.

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